Bouzouk est « LA » référence en maquillage. Il compte dans sa clientèle les Reines et Princesses du Gotha Européen mais aussi des Stars du cinéma et de la télévision. Il nous raconte qu’un homme peut devenir maquilleur mais aussi se maquiller ! Il est visagiste, styliste, illustrateur, peintre, poète, créateur de costumes pour le théâtre. Cet artiste complet nous raconte son histoire avec le maquillage et les couleurs.
Trouvez la transcription de cette interview ci-après:
Bonjour Bouzouk !
Bonjour !
Tu peux nous raconter ce que tu fais comme métier ?
D’abord, je suis maquilleur, visagiste, styliste, je suis peintre, je suis créateur, je crée des costumes de théâtre. Donc, voilà, il y a un tout un panel de sensibilités différentes, avec un nom un peu bizarre puisque je m’appelle Bouzouk. Bouzouk, c’est le nom qui m’a été donné par une petite fille. C’est un nom d’artiste. En fait j’ai rencontré un jour une petite fille dans la rue qui m’a dit : « toi, tu t’appelleras Bouzouk ! », « Ah bon ? ». J’étais un peu étonné parce que Bouzouk ce n’est pas trop courant. Je veux dire peut-être il y avait un peu trop de Tintin à l’époque ! Donc, cette petite fille que j’ai rencontré et qui m’a dit ça, je ne l’ai plus jamais revu dans ma vie.
Et tu avais quel âge en ce moment-là ?
J’étais en début de carrière et c’est un moment où je reviens en Belgique. Puisque d’abord, j’ai fait des études de médecine. Puis, de là, je suis revenu à la peinture. De la peinture, comme je ne gagnais pas très bien ma vie, je suis arrivé presque par hasard au maquillage. Et en fait, là où j’allais travailler, il y avait deux personnes qui portaient mon prénom. Donc, il fallait absolument que je porte un autre nom. Donc, on m’a dit : « il faut que tu ais un autre prénom ! ». Et, j’ai repensé à cette petite fille, et j’ai dit : « je m’appelle Bouzouk ! ». Voilà l’histoire du nom ! Mais c’est vrai que c’est un nom hyper porte-bonheur.
Et c’était un rêve d’enfant toute cette vie artistique ou pas du tout ?
Absolument pas ! Moi, au début, je voulais être prêtre. Donc j’étais vraiment attiré par… Jésus, Marie, j’étais très tradition catholique. Moi je courais dans les rues quand j’avais 5-6 ans avec des croix. J’avais vraiment une foi incroyable qui était porteur d’un message. Je croyais en Dieu, et je voulais que tout le monde participe. Moi-même, j’allais dans les rues ; enfin, j’allais dans les campagnes à cette époque, je ramassais -c’étaient des hivers beaucoup plus rudes d’ailleurs qu’à notre époque- des petits oiseaux et je les enterrais. Je leur faisais des messes, je courais dans les rues du village avec des couvertures sur le dos, avec des croix. Voilà ! Donc, ça c’était mon rêve.
Mais à 13-14 ans j’ai compris quand j’ai vu les premières petites filles que ce ne serait peut-être pas la bonne voie puisque malheureusement avec la tradition catholique, un prêtre ne peut pas se marier. Ce qui va peut-être changer, j’espère d’ailleurs, puisque c’est peut-être un peu plus logique parce que ce n’est pas parce qu’on croit en Dieu qu’on ne peut pas être un papa ou un mari parfait.
Donc, de prêtre à artiste, comment c’était ce chemin alors ?
De prêtre à artiste, d’abord 13-14 ans, je comprends que je ne devais pas être prêtre parce que sinon… Donc, pas de petit séminaire et donc je continue mes études. Et mes parents, quand je leur dis que je veux être peintre, ils me disent non.
Non ! pourquoi ? Parce qu’ils avaient peur que je ne puisse peut-être pas subvenir à mes besoins tout simplement. Ils ne croyaient peut-être pas que ce soit vraiment une profession honorable. ( Je ne sais pas ce qui est honorable en fait!) Donc, j’ai décidé de suivre leur avis, et j’étais assez doué dans mes études, j’ai terminé mes humanités ( Équivalent au BAC ). Et puis, je suis rentré à l’université où j’ai fait trois années de médecine jusqu’à ce que j’aie mes 21 ans. Et 21 ans à l’époque on était adulte, majeur, donc je pouvais prendre mon destin en main, je me suis dit : » je suis peintre ».
Mon Kot d’étudiant ( habitation étudiante ) était plus un atelier de peintre qu’un kot étudiant. Je ne sais pas si c’est un métier, c’est un sacerdoce aussi la peinture, tout comme l’écriture ou dès qu’on a une passion, de toute façon, on ne le maitrise pas vraiment. Je veux dire que c’est quelque chose qui nous conduit instinctivement.
J’essayais de vivre de ma peinture, ce qui n’était pas vraiment possible parce que vivre c’est vraiment compliqué surtout quand on a 21 ans. J’avais foi en ce que je voulais faire. Et là, chance ! Je rencontre un grand maquilleur qui était fan de ma peinture, qui m’a acheté des peintures et je l’ai dit que j ‘ allais arrêter la peinture puisque je n’arrivais même pas à acheter la peinture nécessaire pour les faire. Il m’a dit : « Mais tu es fou ! Ce que tu dois peut-être faire c’est le maquillage ! ». Je lui ai dit : « C’est quoi le maquillage ? », je n’avais jamais tenu un rouge à lèvres dans ma vie ! Et donc, il m’a dit : « Écoute ! j’ai mon assistant qui est malade, tu peux me suivre pendant deux ou trois jours à Paris. La chance ! C’était un des plus grands maquilleurs de l’époque. Et donc je l’ai suivi pendant trois jours. Directement je l’ai vu travaillé, il m’a fait faire des petites choses. J’ai compris directement que ça collait bien.
Entre maquillage et peinture, ce n’est pas très loin non plus, non ?
Exactement ! Sauf la matière… En fait, la matière c’est quelque chose qui est sacrée puisque c’est vraiment quelque chose de vivant et qui va apporter de la couleur. Ben moi j’ai plutôt envie de dire de la lumière que de la couleur, ça c’est de mon point de vue. Et donc j’ai appris ce métier comme ça, je veux dire, sur le tas, pour la bonne et simple raison qu’encore une fois « chance », je comprends que c’est quelque chose qui me plaît. Mais il me dit qu’il faut que je fasse l’école du maquillage et tout et je n’ai juste pas le temps. Je lui dis que ça ne va pas être le cas, car il faut que je gagne ma vie. Et bon, un peu en dépit et puis quand même… « chance », une semaine après il me rappelle, et il me dit « il y a une firme italienne qui vient de l’appeler pour être directeur d’une nouvelle ligne de maquillage pour les jeunes ados. Moi, je ne peux pas faire puisque je suis déjà directeur artistique d’une grande firme de maquillage. Va tenter ta chance, va te présenter, tu es plutôt artiste ! Vas-y ! » Et donc je me présente, je prends les 3,50 francs que j’avais en poche et je vais à Milan.
À Milan, je débarque, et on me dit : « voilà des petits carnets ! », il y avait 12 personnes autour de moi qui voulaient aussi le poste, il fallait dessiner une collection de maquillage. Moi, je travaillais avec des pinceaux et je leur ai dit » avez-vous plutôt un mur quelque part? Donnez-moi un peu de couleurs et un mur ! » Bon, ils m’ont donné un mur et de grosses couleurs, ils étaient très gentils. Je commence à peindre le mur très rapidement, les autres, ils faisaient leurs petits machins aussi. Et puis… » chance »…il y a le CEO, donc le directeur général du trust qui passait par là, par l’endroit où j’avais peint. Il dit » Vous avez acheté une œuvre, c’est pas mal ! » Et la directrice qui était là, qui procédait aux engagements, lui dit que c’était moi, qui attendait avec les autres pour être embauché, qui l’avait fait. Et il lui dit : « C’est lui le nouveau directeur ! » Bon ça veut dire que dix jours plus tard, j’étais directeur artistique d’une firme de maquillage en Italie. Donc de zéro, je suis passé à tout, au sommet, puisque directeur artistique, ça veut dire non seulement donner une direction à un projet artistique mais c’était aussi travailler à Milan et à Rome, des grandes capitales de la mode à l’époque et où il se passaient des choses assez intéressantes. C’était Versace, Giorgio Armani, ce sont des gens que je côtoie du jour au lendemain, bonjour comme ça ! Ce sont des gens auxquels on n’a pas facilement accès normalement.
Chance encore une fois !
J’accède à tous les grands défilés, à toutes les séances de photo. Car derrière moi il y avait une grosse société qui voulait faire de la publicité, j’avais de bons moyens, donc accès à tout. Ainsi, j’ai commencé à suivre tous les défilés, j’ai appris beaucoup de choses, évidemment, avec les mannequins qui savent très bien comment se mettre en beauté. J’ai pris plein de choses à gauche et à droite et ça me plaisait énormément. Finalement, je me suis dit « je suis fait pour ça ! »
Je suis revenu en Europe, où j’ai rencontré ma chère et tendre épouse, ce qui m’a fait faire la rencontre avec d’autres personnes, notamment avec Lancôme, dont je suis devenu le Directeur Artistique pour toute l’Asie. Pendant des années, j’ai signé toute l’Asie, j’étais devenu de nouveau maquilleur et formateur en même temps. Je leur apprenais ce qui était la « French Touch », quelque chose qu’ils ne connaissaient pas. Attention, aller apprendre aux Japonais ou aux chinois comment faire un trait, ce n’est pas un Européen qui peut le faire, ils ont vraiment une culture particulière. C’était juste une « French Touch » à leur apporter, du chic français. J’étais aussi le porte-parole de la marque, et je suivais tous les défilés et évènements réellement extraordinaires. J’ai passé quelques belles années là-bas. Et tout en étant si proche d’Europe. Je crois que devenir maquilleur était par magie en quelque part. c’est la rencontre merveilleuse avec les gens. Des gens tout à fait normaux, mais aussi avec des gens qui sortent de l’ordinaire, des gens plus « people », plus « VIP », plus « royal ». Donc, j’ai commencé à fréquenter la famille royale, j’ai maquillé plusieurs reines maintenant.
Tu côtoies plein de gens de la royauté. Tu fréquentes aussi des plateaux télé et cinéma, tu as aussi rencontré des acteurs et actrices ?
Oui, c’est vrai, exactement ! Et c’est vrai que ce sont des métiers où les sensibilités homme-femme n’ont plus d’importance. On fait vraiment attention aux talents, c’est vraiment la particularité de chacun qui est importante, franchement, que ce soit un garçon ou une fille il n’y a plus d’importance. Il y eut un temps où un grand coiffeur ou un grand cuisinier était forcément un homme, alors que ce sont des zones dites « féminines ». A l’époque, j’ai pris un poste assez marquant, car un homme qui maquillait il y a 25 ans, ce n’était pas du tout commun. Cette mode de maquilleur est vraiment venue plus tard, par l’Asie. C’est en Asie où les hommes ont pris ce poste en main, où le rapport maquilleurs-maquilleuses est 50/50. Ici en Europe, c’est encore –je dirai- 20/80.
Apparemment une femme aime bien, paraît-il, se faire maquiller par un homme, parce qu’il a peut-être une « vue sur ». Quand la femme est regardée par une femme, parfois, c’est un peu compliqué pour elle de se dévoiler par rapport à une autre femme. Un homme aura évidemment un regard différent.
En fait, cette complexité de métiers appartenant à un homme ou à une femme, c’est quelque chose qui se dissipe complètement.
Donc pour toi, être un homme dans le maquillage, c’est…
C’est normal. C’est juste qu’on a une aptitude à faire ce genre de métier, et ça fonctionne bien. Tout ça m’emmène à dire, je pense qu’il faut vraiment aller vers ce qu’on est attiré réellement.
Suivre ses passions ?
Oui, ses passions, puis il faut aussi apprendre à se connaître. Je crois que la chose la plus importante, c’est se dire : « mais qu’est-ce qui m’attire véritablement ? », et être honnête avec soi-même et se dire : « voilà, c’est vraiment ça qui m’intéresse, c’est là où je peux donner le meilleur de moi-même, être fidèle à moi-même et surtout donner le meilleur de moi-même ». Pour être bien dans sa peau, je pense que chacun doit aller vraiment vers son cœur, vers qui il ressent. Il faut être très ouvert.
D’abord il faut bien s’écouter. Ainsi, se respecter parce qu’on s’écoute et on va faire ce qu’on aime, il faut aussi que les autres aient le même comportement. Je crois que c’est très important que tout le monde soit à l’écoute de l’autre, et se donne du respect, le respect de l’autre.
Donc, les garçons peuvent être maquilleurs, mais est-ce que les garçons peuvent se maquiller ? Est-ce que tu maquilles des garçons ?
Mais oui. Depuis que je suis dans ce métier, de toute façon, les garçons se maquillent, puisque pour un besoin technique, photo, ou pour passer mieux à la caméra, on a besoin de support qui est le maquillage. Ça a énormément évolué. Le maquillage qu’on faisait il y a vingt ans n’est plus du tout le même tel qu’on le fait à l’heure actuelle. Mais c’est vrai qu’il y a énormément de garçons qui se maquillent.
Il y a aussi des soins de beauté…
Il y a des soins de beauté, vraiment pour homme, sans aucun problème. Beaucoup d’hommes font attention à eux-mêmes, ce qui n’est plus du tout considéré comme un critère d’efféminé, de sensiblerie, c’est juste un respect de soi-même. Je veux dire « être au mieux de soi-même ». Il n’y a pas si longtemps, il y a eu un scandale dans un lycée en France, où un jeune homme est arrivé maquillé. Où est le problème s’il se sent bien, si les gens de sa classe l’acceptent ? Après, si c’est de la provocation –pourquoi pas ? Mettre un peu de piment dans la vie- ça peut réveiller les choses ! On ne doit pas forcément être formaté, on peut être et faire ce qu’on aime. Le format c’est quelque chose qui m’énerve un peu. J’aime bien ce qui dépasse un peu.
Génial. Je pense que tu as donné plein des conseils aux enfants…d’ouverture d’esprit, d’être attentif à soi-même. Merci énormément pour cette rencontre. J’espère que les enfants vont découvrir le maquillage, la peinture, la poésie, et tout ce monde artistique auquel tu appartiens, et qu’ils trouveront ensuite leur chemin.
S’ils veulent venir me voir…
Voilà, Bouzouk à Bruxelles et à Paris.
Et partout dans le monde. Franchement, le monde est tout petit, il faut en profiter.